Action commune de l'AJPF et de Vahine Orama

le PACS français régulièrement conclu hors de la Polynésie française est inscrit en marge des actes de naissance des partenaires nés en Polynésie française.



mercredi 16 avril 2014

Le PACS en Polynésie française

 
Extrait du compte rendu intégral Première séance à l'Assemblée Nationale du 16 avril 2014
Modernisation et simplification du droit dans les domaines de la justice et des affaires intérieures

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat

Article 4


Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Fritch, pour soutenir l’amendement n22 rectifié.
M. Édouard Fritch. Cet amendement vise à étendre l’application du pacte civil de solidarité à la Polynésie française. À ce jour, il est impossible de faire enregistrer un PACS au tribunal de Papeete, faute de registre ouvert. À l’instar de ce qui fut fait pour la Nouvelle-Calédonie et pour Wallis-et-Futuna, il est donc proposé par le présent amendement d’étendre les articles 515-1 à 515-7 du code civil.

Certes, le 16 janvier dernier, Mme la garde des sceaux s’est opposée à un amendement similaire présenté en commission au motif que le PACS est avant tout un contrat et que cette matière « relève de la compétence territoriale ».

Or, d’une analyse faite sur ce point par le Haut conseil de la Polynésie française, il résulte en vérité que si le PACS est bien un contrat, il suit néanmoins un régime tout à fait particulier qui l’associe clairement au droit des personnes, lequel relève de la compétence de l’État : « la loi du 23 juin 2006 a, implicitement mais nécessairement, modifié la nature juridique du pacte civil de solidarité, en le faisant désormais relever de l’état des personnes ». C’est donc à bon droit qu’il revient à notre assemblée d’adopter une telle mesure.

J’ajoute qu’en ma qualité de président de l’Assemblée de la Polynésie française, j’ai récemment sollicité le Conseil d’État afin que nous obtenions des éclaircissements et que nous puissions faire avancer ce processus.

Je conclus : le fait que les couples qui vivent en concubinage – une situation fort courante en Polynésie française – puissent enfin bénéficier du PACS correspond à une demande forte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Vous demandez que les dispositions du code civil relatives au PACS soient étendues au territoire de la Polynésie française. Je n’ai aucune raison de principe de refuser que les couples de Polynésie française puissent se pacser : j’émets donc un avis favorable, mais assorti d’une certaine réserve. Il existe en effet une difficulté qui a motivé l’avis défavorable que j’avais donné en commission. En effet, la question se pose de déterminer si le PACS relève du droit des personnes ou du droit des contrats. Vous aviez été invité à saisir le Conseil d’État, ce qui est chose faite. Or, l’examen du texte ayant été avancé, nous ne disposons pas encore de son avis puisqu’il doit être rendu le 29 avril prochain. L’avis favorable que j’émets est donc soumis à ce qu’en dira le Conseil d’État : s’il confirme que le PACS relève du droit des personnes, alors le vote favorable de cet amendement pourra vous agréer puisque ses dispositions seront directement applicables. En revanche, si le Conseil d’État nous indique que le PACS relève du droit des contrats, et donc du droit des biens, nous devrons alors revenir sur cette disposition en commission mixte paritaire, car il faut écrire correctement la loi. Dans ce cas, il appartiendra à l’Assemblée de la Polynésie française de régler la question.

En clair, je donne à cet amendement un avis favorable sous réserve de l’avis du Conseil d’État, et en espérant que cet avis pourra être rendu le 29 avril prochain.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je salue la constance de M. Fritch, car nous avons en effet eu ce débat au mois de janvier. Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, la question s’est alors posée de savoir si le PACS relevait du droit des personnes ou du droit des contrats. Selon la loi de 2006, il relève du droit des contrats. C’est donc sur cette base que nous avons travaillé, ce qui explique ma réponse du mois de janvier : c’est le territoire qui est compétent.

Vous avez insisté, sans doute avec de bonnes raisons de le faire, et je vous ai donc proposé des séances de travail à la Chancellerie – qui ont déjà commencé, me semble-t-il – pour envisager la manière dont le territoire pourrait s’emparer des mesures nécessaires à la modification de la loi sur le PACS, la loi n’ayant prévu que la publicité du contrat, et non le reste.

Constatant que nos divergences d’interprétation persistaient, nous vous avons suggéré de saisir le Conseil d’État, ce que le Gouvernement ne pouvait pas faire, faute de texte à l’appui. Vous l’avez fait ; il se prononcera le 29 avril. Sans doute conviendrait-il donc d’attendre sa décision, car elle clarifiera les choses une fois pour toutes.

Dans l’hypothèse où nous attendions cette décision, néanmoins, je m’interroge sur l’occasion que nous devrions saisir si le Conseil d’État estimait qu’il fallait légiférer en la matière. Le Parlement devrait examiner une proposition de loi relative à la famille dans les prochaines semaines, sans doute en mai. Il va de soi que je ne saurais prendre d’engagement au nom du Parlement : je suis trop respectueuse de la séparation des pouvoirs et déjà bien assez accablée par les responsabilités qui nous incombent. À vous de voir si c’est cette occasion qu’il faut saisir. En tout état de cause, je n’émettrai pas au nom du Gouvernement un avis défavorable sur cet amendement ; je me retiens toutefois d’émettre un avis favorable, car il serait prématuré par rapport à l’avis du Conseil d’État que vous avez vous-même saisi. En conséquence de quoi le Gouvernement émet un avis de sagesse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid.
Mme Claudine Schmid. Madame la ministre, nous suivrons votre avis. Nous sommes très sensibles au problème soulevé par notre collègue. Très respectueux de la loi sans être opposés à son évolution, le groupe UMP s’abstiendra.
Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Fritch.
M. Édouard Fritch. Je m’alignerai, quant à moi, sur la position de Mme la rapporteure en prenant le risque, comme elle nous le propose, d’adopter cet amendement. Si le Conseil d’État se montrait défavorable à notre interprétation, une CMP pourrait alors rectifier l’« excès » que nous aurions commis aujourd’hui en adoptant cette disposition.

Il est injuste que les couples polynésiens ne puissent pas bénéficier du Pacs. Vous allez me dire : « Prenez donc le risque de faire voter un projet de loi allant dans ce sens à l’Assemblée de la Polynésie française ! » J’ai toujours refusé de le faire en tant que président, car j’estime que je ferais prendre un risque à nos futurs pacsés si était adoptée une loi qui ne s’appliquerait qu’en Polynésie, alors que les Polynésiens ont aussi l’occasion de venir en métropole ; je veux que leur situation en tant que pacsés y soit aussi reconnue.

Par conséquent, je maintiens mon amendement.
(L’amendement n22 rectifié est adopté.)
(L’article 4, amendé, est adopté.)